On ne nait pas Spa thérapeute, on le devient… Et certainement pas après trois jours de formation !
Entretien avec Tony Malfone co-fondateur des établissements : Les Dessous de Corinthe et le XI Impérial à Metz.
Praticien de bien-être, masseur, spa thérapeute, technico-opérateur de spa : ces métiers ne sont pas réglementés et c’est parfois bien difficile de trouver la bonne formation.
Spa-A reçoit des demandes de conseils de la part de personnes qui souhaitent se ré-orienter et sont un peu perdues dans l’utilisation de leur droit à la formation. C’est vrai qu’il ne faut pas tout confondre et que malheureusement ce n’est pas parce qu’une formation est certifiée Qualiopi ou CPF que c’est celle qui va vous convenir.
Nous avons donc demandé à quelques-uns de nos praticiens reconnus et talentueux de répondre à nos questions. Tony Malfone est le premier à nous répondre.
J’ai toujours eu envie d’apprendre à masser. Comment savoir si j’aimerais cela ?
J’ai eu la chance de découvrir le massage très jeune, d’une manière intuitive. Lors des réunions de famille, j’aimais masser mes cousins, cousines, tantes, oncles et amis, car cela me paraissait naturel de leur apporter du bien-être, d’effacer leurs tensions en les sentant rouler sous mes doigts. Au lycée, j’étais toujours à l’écoute de mes camarades, et j’avais une facilité à comprendre leurs problèmes relationnels et même à anticiper leurs réactions. Pour moi, cette capacité était normale, mais au fil du temps, j’ai compris que c’était une aptitude innée qui s’est développée avec l’expérience.
En classe de 3ème, quand il a fallu choisir une orientation, j’avais deux possibilités : l’informatique, où j’étais plutôt doué pour résoudre les problèmes techniques et le massage. Cependant pour le massage, il y avait deux voies : la kiné ou l’esthétique. Les études nécessaires pour devenir kinésithérapeute ne me convenaient pas : j’avais eu une expérience en kiné respiratoire pour des problèmes d’asthme quand j’étais petit et plus tard, pour traiter une scoliose. J’ai été très peu massé pour apaiser mes maux, je n’avais pas forcément reçu suffisamment d’informations pour m’expliquer les procédés alors j’avais peut-être mauvaise image de la kiné en pensant naïvement que ça se limitait à des faire des exercices et à l’usage de lampes, sans massage approfondi. L’autre option, l’esthétique, incluant l’épilation, le maquillage et les “modelages” de l’époque, n’était pas non plus ce que je recherchais. Finalement, j’ai choisi l’informatique et mon intérêt pour le massage est resté présent en moi.
Si tu souhaites savoir si le massage est fait pour toi, je te conseille de participer à des ateliers de massage, de te faire masser toi-même pour expérimenter la sensation et l’énergie que cela procure, et d’échanger avec des praticiens. Assister à un concours de massage peut également être une excellente source d’inspiration, car tu pourras observer la diversité des techniques et mieux comprendre les styles qui t’attirent. Cela te donnera une base solide pour choisir le type de massage et de formation qui te correspond le mieux.
« Vis ma vie » existe dans le domaine du massage ?
« Vis ma vie » dans le massage, c’est une idée complexe, car une séance de massage est un moment intime et personnel pour le client. J’attache une grande importance à créer un espace de confiance où chaque personne se sent libre et en sécurité. Pour cette raison, j’évite en général de faire assister un stagiaire, car moi-même, en tant que massé, je n’aimerais pas être observé. Cela dit, il est tout à fait possible d’apprendre dans le cadre de formations, de démonstrations et d’ateliers. Ces approches permettent de s’entraîner, de poser des questions et d’échanger dans un contexte qui respecte l’intimité du soin, tout en offrant au stagiaire une chance de découvrir la richesse du métier.
Quelles sont les contraintes pour ce métier de service ? Quels sont les diplômes ou certifications reconnues ?
Le métier de masseur est enrichissant et offre une vraie satisfaction, mais il nécessite aussi une disponibilité et une écoute constante. Les horaires incluent souvent des soirées ou des week-ends, ce qui permet de s’adapter aux besoins des clients et de les accompagner dans leur bien-être au moment qui leur convient le mieux. C’est un métier où la concentration et l’attention aux autres sont primordiales, et j’y trouve chaque jour un sens profond dans cette connexion avec les clients. L’empathie est également une qualité essentielle, et elle permet d’accueillir chaque client avec bienveillance et ouverture. Il est important, cependant, de cultiver une juste distance pour préserver son propre équilibre, car un praticien en pleine forme pourra offrir un soin de qualité.
Quant aux diplômes, bien qu’il n’existe pas encore de certification d’État, plusieurs syndicats travaillent activement pour la reconnaissance de notre profession. Heureusement, il existe aujourd’hui de nombreux centres de formation et formateurs qui transmettent ce métier avec engagement et professionnalisme. Pour celles et ceux qui souhaitent se lancer dans ce parcours, ces structures offrent un accompagnement précieux pour intégrer les bases et les valeurs essentielles de cette belle profession souvent qualifiée de « métier-passion ».
Dans ton cas, comment es-tu arrivé au massage ? Quelle est ta pratique et où exerces-tu ?
Mon parcours vers le massage s’est fait par étapes, guidé par des valeurs profondes qui m’ont été inculquées dès l’âge de 5 ans, lorsque j’ai commencé le judo. Mes professeurs, Fabrice GEBHARDT, Armand GASSMANN et Lucien GERMANO, ont joué un rôle essentiel en m’enseignant les valeurs du code moral du judo, qui résonnent encore aujourd’hui dans ma pratique du massage. Je ressens une profonde gratitude et reconnaissance envers eux pour m’avoir transmis des principes qui vont bien au-delà du sport : le respect, l’amitié, la sincérité, le courage, l’honneur, la modestie, le contrôle de soi et la politesse.
Ces valeurs m’ont marqué au plus profond de moi et m’ont toujours guidé, que ce soit dans ma vie personnelle ou professionnelle. Elles m’ont appris à respecter chaque individu, à être sincère dans mes intentions, et à cultiver l’amitié et la bienveillance dans mes relations. Le courage et l’honneur sont devenus des repères dans mes choix de vie, et la modestie, une constante qui m’aide à rester humble face à chaque client.
Mon expérience en informatique a ensuite renforcé ma discipline et mon sens de l’organisation, mais c’est en m’intéressant aux champs électromagnétiques (CEM) et au bien-être des lieux de vie que j’ai pris conscience de mon besoin d’une approche plus personnelle. En 2015, je me suis formé au massage et j’ai ouvert un espace de bien-être avec mon associé Jérémie Donnen, où les valeurs du judo continuent d’inspirer chaque soin que j’offre. Aujourd’hui, que ce soit au XI Impérial ou aux Dessous de Corinthe, je veille à incarner ces valeurs dans chaque rencontre et chaque soin, pour offrir une expérience qui va bien au-delà de la technique.
On nous dit qu’être freelance est très demandé et permet d’être libre et de travailler à son rythme. Qu’en penses-tu ?
Le statut de freelance peut être attractif pour la flexibilité qu’il offre dans la gestion de son emploi du temps, mais cela ne signifie pas nécessairement plus de liberté ou de revenus. Je rejoins l’avis selon lequel il est crucial de bien peser les avantages et les contraintes avant de se lancer. Être indépendant signifie aussi assumer des responsabilités administratives, fiscales, et organisationnelles, des aspects indispensables mais souvent sous-estimés.
Contrairement à un salarié, le chiffre d’affaires d’un freelance n’est pas synonyme de revenu direct : les charges, les cotisations sociales, et les frais de gestion de son activité doivent être pris en compte. Une gestion rigoureuse est donc nécessaire pour maintenir une stabilité financière, ce qui demande un sens de l’organisation et une discipline quotidienne. C’est un choix de carrière qui convient parfaitement à ceux qui sont prêts à gérer chaque aspect de leur activité en autonomie, tout en étant déterminés à investir dans leur développement professionnel.
Quelles sont les compétences, les formations pratiques essentielles. Combien de temps pour devenir un « bon » masseur ?
Devenir un bon masseur requiert avant tout une écoute active, une connaissance approfondie du corps humain, une compréhension fine de l’énergie et une maîtrise des techniques.
Mes années en judo m’ont appris l’importance de la stabilité, de l’attention à soi, de l’équilibre et de l’énergie dans chaque mouvement.
Ces compétences ont été essentielles pour développer mon approche en massage, et la médecine traditionnelle chinoise (MTC) m’a apporté une vision plus large sur ces mêmes principes du Qi et de l’équilibre, qui sont, à mon sens, essentiels pour un masseur.
Le temps nécessaire pour devenir un bon masseur dépend de la pratique et de la formation. Une première formation permet d’acquérir les bases, mais il est essentiel de continuer à approfondir, expérimenter et se former. Pour les praticiens qui souhaitent affiner leur technique, je propose des ateliers de correction de posture ainsi qu’un module complet fondé sur la posture, le placement, le déplacement et la respiration – des aspects fondamentaux pour offrir un soin de qualité et de longue durée. À mes yeux, ce dernier point est un véritable prérequis, voire la base de la base, non seulement pour garantir la qualité des massages, mais aussi pour préserver la santé et le bien-être du praticien sur le long terme.
Une posture droite inspire confiance et reflète le professionnalisme du praticien en communiquant compétence et sérieux. C’est un aspect que j’aborde en profondeur : le déplacement, le mouvement et les différentes positions du praticien jouent un rôle fondamental dans l’efficacité du soin et dans l’intégrité physique du professionnel à long terme. Une bonne posture améliore la précision, la pression, la puissance et l’efficacité des techniques appliquées. Cela permet d’offrir un soin de grande qualité tout en protégeant le praticien pour qu’il puisse exercer son art durablement.
Quels sont les massages principaux à connaître pour exercer dans un spa (de luxe) ?
Dans un spa de luxe, il est important de maîtriser une gamme de massages qui répondent aux attentes diverses des clients. Pour ma part, je propose des soins comme Le Somato-Émotionnel, qui aide à libérer les blocages émotionnels, et Le Sportif, un massage en profondeur adapté aux tensions musculaires. Ces soins combinent des techniques du monde entier (thaï, chinois, indien, japonais, suédois, deep tissue…) pour offrir une expérience de relaxation, d’apaisement et de reconnexion.
La clientèle de luxe recherche avant tout un service rare et entièrement personnalisé, qui répond à 200 % à ses besoins uniques. C’est là que le sur-mesure prend toute son importance : chaque soin doit être pensé et ajusté pour la personne, afin qu’elle se sente écoutée et comprise dans chaque détail. Un massage pour cette clientèle ne peut être standardisé ; il s’agit de créer une expérience qui parle vraiment à chacun, en intégrant les spécificités physiques, émotionnelles et énergétiques de chaque client. Ce niveau de personnalisation permet de transformer le soin en un moment inoubliable, à la hauteur de leurs attentes ; ce qui les fera probablement revenir…
Quelle est ta spécialité ? Qu’est-ce que tu enseignes et qu’est-ce qui te paraît le plus important ?
Ma spécialité principale réside dans l’adaptation à chaque client. Selon les besoins spécifiques de la personne, je propose un panel de soins sur-mesure, dont plusieurs sont nés de mon parcours et de mes apprentissages.
Parmi eux, le massage Somato-Emotionnel occupe une place centrale : il s’agit d’un soin qui permet d’explorer et de libérer des blocages émotionnels ancrés dans le corps. Fondé sur les principes de la médecine traditionnelle chinoise, le somato-émotionnel relie les émotions aux tensions physiques. Par exemple, récemment, une cliente ayant exprimé des douleurs récurrentes au niveau du plexus solaire a pu, grâce au soin, faire émerger des émotions associées à des situations de stress non résolues. Ce massage agit comme un miroir du corps, permettant au client de prendre conscience des émotions retenues et de s’en libérer.
Lorsque le client cherche un soin plus axé sur le physique, je propose le Massage Sportif. Je m’appuie sur mon cursus complet en acupression thaïe thérapeutique, suivi à l’école Sensip Training par Charles BREGER, un maître en la matière pour qui j’éprouve un profond respect. Grâce à cet enseignement clair, global et précis, je suis en mesure d’offrir un soin musculaire intensif, où l’acupression, les mobilisations articulaires et l’utilisation éventuelle des ventouses se combinent pour un effet optimal. Ce massage signature est conçu pour dénouer les tensions profondes, favoriser la récupération des muscles ou préparer les sportifs à l’effort.
J’ai aussi développé deux soins signatures qui illustrent ma capacité d’adaptation et ma recherche constante de mieux-être pour chaque client : Le Massage Intuitif : ce soin est une rencontre directe avec les besoins du corps du client, sans protocole préétabli. Il repose sur une écoute active du corps, me permettant d’adapter les techniques et les pressions au fur et à mesure de la séance. En utilisant des techniques variées, je m’ajuste en fonction des réactions et des demandes énergétiques du client pour lui offrir une expérience unique, profondément personnalisée.
Le Massage Antara : ce soin est axé sur l’harmonisation entre le corps et l’esprit. Inspiré des pratiques de relaxation profonde et de lâcher-prise, l’Antara combine des mouvements enveloppants et un travail sur les points énergétiques clés pour une détente globale et un apaisement durable. Ce soin énergétique va puiser dans les mémoires et énergies maternelles afin de ressourcer le corps et d’apaiser l’esprit. L’usage de la chaleur rend ce soin particulièrement bénéfique en automne et en hiver.
Dans mes formations, j’enseigne ces techniques avec une attention particulière à la posture, au placement et à la respiration, pour que chaque praticien puisse développer une approche équilibrée et respectueuse de sa propre énergie. Je fais régulièrement des rappels des principes fondamentaux de l’anatomie, où il faut malheureusement admettre que nombreux praticiens ont des bases trop légères sur ces aspects. Je m’efforce de transmettre les valeurs et les principes qui m’ont guidés dans mon parcours, en intégrant des éléments de judo et de médecine traditionnelle chinoise, pour que chaque soin devienne une véritable expérience d’équilibre et de bien-être.
Quelles sont les formations et/ou écoles que vous recommanderiez ?
Je recommanderais bien volontairement et vivement les écoles ou formateurs que j’affectionne beaucoup comme Charles Breger, David Grand, Nordine Meguellatti, Sébatien Valla, Déhlia Lapeyrie, Fanny Perot, Claire Fink, Nadine Stark-Chognon et de nombreux autres experts… car ils résonnent parfaitement avec ma propre vibration, mon approche et ma vision du soin.
Cependant, je crois profondément que chacun doit choisir un lieu de formation qui correspond à sa propre sensibilité, là où il sent une véritable connexion. Apprendre là où l’on vibre, là où l’on ressent de l’inspiration et de l’enthousiasme, est essentiel pour se former pleinement dans le massage.
Écouter son corps et ses intuitions est aussi important dans le choix d’une école que dans la pratique même du massage. Une formation qui fait écho à nos aspirations et à notre propre vibration permet de progresser avec authenticité et sincérité.
Mes recommandations sont donc personnelles et correspondront aux personnes qui partagent une vision et une approche similaires, mais elles ne sont pas universelles. Chacun doit trouver la voie qui lui parle et qui nourrit sa passion. En suivant cette voie, chaque praticien pourra offrir des soins qui lui ressemblent et toucher les autres avec justesse et profondeur.
En tant que masseur, quels sont les soins que je peux pratiquer sur le visage ? Kobido ?
Pour ma part, je pratique un massage du visage entièrement sur mesure, en fonction des besoins spécifiques des muscles et en tenant compte de l’activation de points d’acupuncture sur les méridiens chinois. Mes techniques sont inspirées du Kobido, des massages ayurvédiques, et d’autres traditions qui offrent chacune des bienfaits uniques pour le visage.
Relâcher les muscles faciaux est essentiel pour alléger les tensions accumulées. Par exemple, lorsque nous sourions nous mobilisons au moins 15 muscles sur une cinquantaine, et les détendre permet de retrouver un visage plus reposé. Mon approche personnalisée inclut également le soin des articulations temporo-mandibulaires (ATM), souvent affectées par le bruxisme, cette “maladie du siècle” qui contracte la mâchoire et peut causer de l’inconfort dans toute la région du visage. Offrir un soulagement à ces zones permet une détente profonde et un véritable bien-être.
Et les cours d’anatomie ?
L’anatomie est cruciale dans le massage et, malheureusement, trop souvent négligée ou abordée de manière troplégère dans certaines formations. Dans notre parcours de formation, nous mettons en place des modules de pré-requis, en particulier pour les personnes en reconversion. Ces modules incluent non seulement la posture, que j’ai mentionnée précédemment, mais surtout l’anatomie et l’anatomie palpatoire, qui sont fondamentaux pour comprendre et respecter le corps humain.
Nous proposons plusieurs niveaux d’apprentissage, car certains domaines, comme le cursus périnatal, nécessitent des connaissances spécifiques sur l’évolution du corps de la femme enceinte et en post-partum. Ces enseignements sont dispensés par des professionnels de la santé, tels que des ostéopathes ou kinésithérapeutes, pour assurer une crédibilité et une valeur supérieure à la formation. Cette approche permet de former des praticiens capables de prodiguer des soins sécuritaires, précis et respectueux de chaque étape de la vie de leurs clients.
Comment concilier empathie et protection de soi dans le massage ?
En tant que praticien, je pense qu’il est essentiel d’apprendre à offrir un soin complet sans absorber les émotions ou l’énergie des clients. J’utilise plusieurs techniques qui m’aident à rester ancré et à me protéger, pour être pleinement présent sans m’épuiser. Cette compétence est précieuse pour tous ceux qui souhaitent travailler dans le domaine du bien-être.
Propos recueillis par Marie-Paule Leblanc-Peru Présidente bénévole Spa-A.
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