Audrey Rémy Spa Director, dont j’admire le parcours et la personnalité, ose “pousser son coup de gueule”.

10 février 2024Mari_Paule Leblanc_Péru
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Audrey Rémy Spa Director, dont j’admire le parcours et la personnalité, ose “pousser son coup de gueule”.

 

Ses mots feront écho pour beaucoup et résument ce que j’entends de tous côtés. Beaucoup se reconnaîtront dans ses propos. Il est temps de prendre la mesure de ce qui se passe, car si l’importance du Spa et du bien-être n’est plus à démontrer, il faut que nous prenions la mesure de ce qui se passe DANS le spa.

 

Chez Spa-A, nous avons abordé les questions qui vous préoccupent : 45 % de turnover chez les Spas Praticiens, selon une étude Opinion Way post-covid.

 

Vous nous contactez quotidiennement pour vous aider à trouver la perle qui viendra diriger votre spa ou la main d’œuvre qu’il vous faut pour faire tourner votre établissement. Quand nous abordons la question des salaires, nous constatons que certains praticiens sont moins payés qu’une femme de ménage (15 € brut de l’heure). La demande d’alternants explose… Nous prônons le bien-être mais nous ne sommes pas alignés avec nos valeurs. Le terme de « bienveillance » est tellement galvaudé qu’il n’a plus sa place dans le spa.

 

Merci à Audrey pour ce témoignage sincère et émouvant que nous avons choisi de vous livrer tel quel…  

Choisir les métiers du spa c’est avant tout une évidente passion pour le don de soi et du bien-être.
Les ambassadeurs du bien-être et de la beauté passent souvent pour des gens « perchés », simples, superficiels et légers, un peu naïfs.

Si cela peut être vrai pour certains, vous pourrez croiser aussi des personnes avec un savoir, des connaissances multiples dues à une multitude de formations et de rencontres incroyables, des personnes « cortiquées ».

 

 

A votre question «Comment se fait-il qu’il y ait autant de turnover ?», j’ai peut-être quelques réponses à apporter.


Dans ce métier où l’ancrage, l’équilibre du corps, de l’esprit, et la remise en question   sont essentiels, pour toujours exceller, l’exigence est de plus en plus importante, et
la pression, on se la met tout seul, si on ne vous la met pas.
Des protocoles de soins toujours plus compliqués, des standards hôteliers qui sont tout sauf des standards, le rôle d’un chef de service, qui doit manager, gérer les clients et assurer un centre de profit… Tout cela fait que nous passons d’une propriété à une autre, nous gravissons les échelons jusqu’au moment où trop, c’est trop : stop, et dégoût parfois. On veut changer de métier : le praticien se ré-oriente vers un poste en réception (ou même dans les remontées mécaniques), le manager ou directeur se reconvertit en ambassadeur de marque ou consultant de Spa.

Un jour, après des années de don de sa personne, loin de sa famille, mettant de côté sa santé et sa vie personnelle, on lâche prise par écœurement. Le métier manque de valorisation et de reconnaissance.

La vérité, c’est qu’un “consultant” est plus écouté qu’un directeur de spa. Ce consultant a certes des diplômes mais aucune réelle expérience dans le domaine parfois. Hélas, on favorisera le consultant, qui saura montrer plus d’aplomb pour affirmer des choses que, par humilité, vous n’oseriez pas défendre. Et le directeur du spa sera contraint de s’effacer.

Depuis de nombreuses années, que vous soyez Spa Director ou Spa Manager, toute la difficulté consiste à expliquer comment fonctionne un spa à des personnes qui n’en ont absolument aucune connaissance. Gérer de l’hébergement ou de la restauration n’a rien à voir avec l’art du bien-être. Peu de GM ou DG d’hôtel s’y intéressent vraiment car pour eux, ce doit être un centre de profit comme un autre. Le spa est une tendance de fond, c’’est le faire-valoir de votre établissement, l’occasion d’ajouter une étoile ou de briller lors de salons. Mais un spa bien établi est un atout financier.

 

Revenons sur le taux de renouvellement du personnel.

Depuis la COVID, les passionnés ont été les premiers à revenir sur le terrain, ceux  dont ce n’était pas une vocation sont partis vers de nouvelles aventures. Une sélection naturelle s’est faite.
Il est resté un joli panier rempli de talents qui ont accepté de folles heures de travail, des demandes « ultra personnalisées” et tellement plus encore.
Lors de mes rendez-vous pour le recrutement, je constate des aberrations qui abîment les  personnes et notre métier. Comment se fait-il ? Voici une des premières questions que je pose lors d’un entretien de recrutement : 

« Avez-vous déjà eu un problème avec un hôte ou un collaborateur ? Et si oui, comment la situation a-t-elle été réglée ? 

Dans 90 % du temps, j’entends :  « c’est un client qui ne s’est pas comporté “normalement” ». C’est un gros billet posé sur la station de soins, c’est un geste ou des mots déplacés, des demandes farfelues …

Moi : « Comment avez-vous réagi ? »

Réponse : Eh bien je l’ai signalé à mon supérieur, qui l’a fait remonter à la direction de l’hôtel, mais il ne s’est rien passé…. 
Et là, je vous avoue que les réponses sont plutôt tragiques. Comment se fait-il que l’on puisse dire «ce sont les risques du métier, il faut s’y habituer, Mademoiselle ». Il y a erreur sur la profession et le lieu. De ce fait, les candidats(es) acceptent l’inacceptable, de peur d’être renvoyé, blacklisté en recrutement pour la saison prochaine, et ferment les yeux sur l’incident en espérant que le prochain client sera plus respectueux. Il faut avancer mais avec un trauma qui restera et sera une anecdote lors d’échanges entre professionnels.

 

Comment se fait-il que certaines candidatures n’arrivent même pas à la personne qui choisit son équipe ?


Si l’on ne passe pas directement par le responsable du département, les candidatures se perdent sur les plateformes, les intermédiaires
… On entend dire parfois  “physiquement c’est pas ça”. Ou «cette personne est trop âgée, car entre 40/ 50 ans, elle ne tiendra pas la cadence». 

On voit que les dernières recrues, fraîchement sorties de l’école il y a à peine deux ans, avec  quelques saisons dans les pattes, veulent déjà faire de la réception uniquement car elles ont le dos et ou les poignets abîmées, que penser ? Elles ne sont pas fainéantes, mais je pense qu’elles n’ont pas été assez formées sur la posture et s’abîment plus que les générations précédentes. Elles en ont surtout assez qu’on leur vende du rêve lors des entretiens, et que sur les contrats, les tâches sont non-exhaustives. Elles doivent enchaîner les soins, faire de la réception et le travail des équipiers avec beaucoup d’heures supplémentaires.

En revanche, la personne d’un âge certain, elle, avec son expertise…. sa main et sa rigueur irréprochable serait bien plus apte, sans compter qu’une cliente pudique ou complexée aura beaucoup plus de mal a se détendre et être pleinement en confiance devant une jeune personne dont la vie n’a pas abimé le corps. Il est essentiel que le Directeur/trice d’un spa puisse valider le choix des candidats.

 

 

Recrutons-nous des mannequins ou des personnes qui connaissent et excellent dans leur métier ?


J’ai même déjà entendu parler de « Casting » au lieu de recrutement, c’est tout dire. Si les deux s’accordent, nous sommes ravis. Mais en tant que directrice portée sur le résultat du soin, d’une expérience et d’un service, le choix est vite fait. Chacun son métier !  Et puis la date de péremption ne fait-elle pas partie de la discrimination ?
Si l’on regarde du côté des prestataires extérieurs, très souvent, d’énormes efforts ont été accomplis pour répondre au-delà des attentes du spa, ils se surpassent pour être « en total partenariat » sans à peine un “Merci”. Après tout, c’est normal, ils devraient s’estimer heureux de nous avoir comme client : voilà comment l’on considère « les free-lance», les extras et les fournisseurs, qui sont nos partenaires.

 

Parlons également des plannings surchargés.


Au sujet du nombre de massages (profonds ou sportifs bien souvent préférés) en termes de qualité… quand on le reçoit à l’ouverture du Spa ou à la fermeture du sixième jour de travail avec un planning surchargé et une overdose de soins qui demandent beaucoup, qu’en pensez-vous ? 
Vous me direz, mais… C’est le travail du manager d’équilibrer les plannings, de faire ceci, de faire cela afin que ces situations n’arrivent pas.
Mais quand il n’y a pas assez de techniciens et que la politique des standards est “Nous ne refusons personne car ce sont des VIPs++ et qu’il est impossible de dire non ? Votre personnel devient esclave.
Pas assez de personnel, pas le temps de former proprement, et j’en passe. Comment fait-on pour donner le meilleur de nous-même, de notre métier, et de notre établissement ?

 

Combien de Directeurs ont annoncé leur changement de vie en tant que Consultant ce mois de janvier 2024 sur Linkedin ?

 

Cela fait peut-être partie des nouvelles résolutions. Ne plus accepter l’inacceptable, pour finalement juste être bien. 
Il y a des Consultants dignes de ce nom, qui réellement connaissent les besoins de ce métier et toutes les qualifications requises pour un réel succès. Ceux qui font prendre conscience qu’un métier aussi physique et mental, que ce soit pour les praticiens que pour leur directeur/trice : cela se respecte, surtout si on veut acquérir une qualité de service irréprochable, et cela grâce à une équipe dont le  bien-être est respecté.

Et pourtant… certains Directeurs/trices d’hotel y arrivent en France, on les compte sur les doigts d’une main. Ils sont silencieux, réellement élégants, véritablement dans la bienveillance avec le personnel qui lui, ne part pas après quelques mois. Et c’est pour cela qu’ils arrivent à avoir une parfaite harmonie entre le Spa et l’hôtel. Un retour financier incroyable, mais surtout, une réputation d’exception sur tous les fronts, un respect total, comme la Ferme Saint-Augustin par exemple.

Donc un grand respect à toutes ces personnes qui travaillent comme nous devrions tous le faire sans le paraître mais dans cette naturalité, simplicité et honnêteté. Respect du Consultant qui redonne envie d’avoir confiance en ce métier et qui vous accompagne sur des destinations et expériences de rêve. Respect des prestataires qui travaillent toujours plus pour être uniques, respect des journalistes qui sont pertinents dans leurs questions et leur réelle étude du lieu, et pas simplement parce qu’ils sont payés pour écrire de beaux articles et mettre en valeur « l’enfer du décor ». Mais aussi un grand merci à ces personnes qui donnent beaucoup et font leur métier avec intégrité car il y en a, et ils se reconnaitront.

 

 

Devons-nous parler des architectes qui construisent des Spas merveilleux visuellement mais qui techniquement sont abominables pour le bon fonctionnement du lieu et d’un thérapeute ?


Sont-ils si peu accompagnés par le consultant pour être guidés dans les besoins des uns, afin de respecter et mettre en valeur l’art des deux professions ? Ceux qui réussissent sont ceux qui demandent conseil auprès des utilisateurs pour optimiser l’ergonomie. Sans compréhension des réels besoins (comme la place pour bouger autour d’une table de massage), pas de créations réussies. Souvent vous entendrez : « Oui, mais je ne savais pas, si on me l’avait dit, j’aurais fait autrement ». Les plans doivent être approuvés par le Responsable opérationnel du spa.

Il est peut-être temps de dire que les étoiles ne sont pas toujours aussi reluisantes qu’elles ne le paraissent. Audrey, comment faire pour que cela change alors ?


Aurais-je été trop exigeante dans ma quête d’excellence ? Aujourd’hui, si je m’exprime ainsi, c’est aussi pour dire qu’il y a une autre façon de « faire du spa » ou du « Spalace ».

Ce que tu décris finalement comme « l’enfer du décor du spalace », nous avons malheureusement quelques exemples de praticiens et spas managers qui ne souhaitent plus travailler dans ce type d’établissement. Et si le vrai luxe, c’était l’authenticité, que proposerais-tu ?


Revenir à la source du bien-être. C’est dans le bien faire que se crée le bien-être. « Savoir prendre le temps de vivre le moment présent ne serai-ce que quelques instants et apprécier la simplicité… Quel luxe ! » C’est une phrase que je répète depuis quelques années, qui est sur la brochure que j’ai créée pour le Four Seasons à Megève, inspirée des échanges avec ma clientèle, et de rencontres incroyables au cours de toutes ces années. On cherche parfois à tellement « épater la galerie » que l’on fait n’importe quoi … Par égo !

 

 

Heureusement, il y aura toujours quelques personnes qui feront briller notre profession.


Quand on découvre les nouveaux concepts comme l’Endroit Wellness ou After the Rain à Genève, le Prieuré des Sources …  et quand on lit l’étude sur le Spa hôtelier réalisée par Axian Partners (première partie c’est ici), on se dit qu’il y a encore bien des concepts à inventer ! On ne se rend pas compte de la vitesse à laquelle cette industrie avance. Dans certains pays, on utilise le bien-être pour éviter les maux du corps, les mauvaises habitudes, la maladie, les frais d’hôpitaux…  Le spa c’est la prévention !

Audrey, plutôt que de coller aux protocoles d’une marque, recruter une personne qui saura faire du vrai sur-mesure et la recruter sur son savoir-être, comme les Compagnons Wellness au Prieuré des Sources, qu’est-ce que cela t’inspire ?


Il est tout aussi important de respecter les valeurs de l’établissement, que celles des marques, même et surtout si ce n’est pas le Spa (nom de la marque esthétique), mais celui de l’hôtel/brand tel Four Season ou Accor…Derrière une marque de soins, il y a un travail colossal pour se créer un nom et une réputation avec tant de choix sur le marché. Il est très facile pour le spa de créer sa propre identité, un concept selon le type de clientèle que l’on veut attirer.  La clientèle actuelle des “Spas de luxe” voyage de par le monde, et reçoit quelquefois de multiples soins tous les jours. Nous devons être capable de créer du « sur mesure ». Lorsque vous réalisez un soin, vous ressentez les besoins de la personne sur la table. Sa peau est un livre ouvert, ses muscles vous parlent, le technicien de bien-être et de beauté (de part ses formations) doit être capable de faire du « sur mesure » dans le respect de la marque qu’il travaille. Si un client vient recevoir le même massage sur plusieurs jours, les besoins du corps ne seront pas les mêmes, donc on abîme le travail fait en amont car les muscles travaillent pendant et après le soin. Nous ne pouvons être enfermés dans un seul protocole de soin, nous travaillons à l’encontre du bien-être du client.

Le secret de la réussite pour un spa serait donc dans l’humain ?


Traitez vos employés comme vos clients. Faites leurs porter des uniformes dans lesquels ils/ elles se sentiront bien (la morphologie, les matières qui retiennent les odeurs corporelles, les chaussures adéquates…). Les toilettes jusque vers lesquelles il faut courir loin (compliqué lors de besoins pressants, menstruations, pas le temps entre deux clients qui vont entraîner des infections urinaires). Une salle de repos correcte avec assez de chaises (car bien souvent pour tous les services de l’hôtel), un endroit chaleureux et propre.

Un directeur sur le terrain, et pas assis uniquement dans son bureau, quelqu’un qui assiste, accompagne, écoute, forme et valorise son équipe. Mais pour cela, il faut avoir été dans la peau d’un tech, réceptionniste ou équipier pour comprendre tout ce que ces métiers demandent. Une diversité dans le personnel est nécessaire, pour une question d’énergie, de spécialités (on ne peut pas être bon en tout, en revanche on peut accomplir de belles choses en utilisant le meilleur de chacun), comprendre la pudeur et les complexes de certains clients…

Et même si Le Spa est très “trendy”, démarquez-vous, ne prenez pas les clients pour des pigeons !

 

——————

Qui est Audrey Rémy ?

 

Elle a connu l’exigence de la danse en tant que professionnelle, en parallèle de ses études, et en a gardé l’allure.

Aux Etats-Unis, où elle s’installe comme autodidacte de la beauté, elle se forme à l’esthétique professionnelle. De son propre spa à Beverly Hills, elle devient formatrice pour Sisley, crée aux côtés d’un Docteur un Centre de Bien-Etre et réhabilitation à Malibu et revient après 25 ans en Europe. Le Four Seasons à Megève puis le Château de la Gaude à Aix-En-Provence lui permettent d’exprimer toute sa créativité et de devenir une incontournable professionnelle du Spa avec un grand S.

Son élégance naturelle, sa créativité et sa détermination sans faille pour rendre l’expérience client inoubliable lui permettent de participer au lancement du Spa du Négresco.

Aujourd’hui, Audrey Rémy est une femme libre, prête à écrire une nouvelle page.

 

 

Propos recueillis par Marie-Paule Leblanc-Peru Présidente bénévole Spa-A.

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Retrouvez le profil membre Spa-A de Audrey Rémy : c’est ici espace membre Spa-A ou c’est ici

Mari_Paule Leblanc_Péru

Un parcours de plus de 35 ans à la direction internationale de produits cosmétiques et hôtellerie, dans le développement commercial et marketing. Shiseido, Yves Saint-Laurent, Dior, Thierry Mugler, Clarins, Pure Altitude et le groupe SIBUET ont marqué mon appétence pour le luxe et l'authenticité, en France comme à l'international. Executive Coach formé HEC, pour mettre l'humain au coeur des métiers. Désormais dans la transmission pour fédérer les équipes et passer le relais auprès de nos jeunes soucieux de rejoindre le monde du spa.

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