Le Spa Management au Domaine de la Pommeraye : référence ou exception ?
Cette année, le Domaine de la Pommeraye a renouvelé la labellisation Spa-A
Je fais souvent référence à cet établissement pour la qualité de l’expérience client tout à fait unique : un bijou au cœur de la Suisse Normande, qui vous permet de profiter d’un séjour de charme dans une ferme du XVIII associé à un magnifique Day Spa, où vous vous ressourcerez, avec un accès privatisé du lundi au samedi … Piscine privatisée dans un ancien corps de ferme, où les poutres en bois clair et les pierres blondes donnent une lumière chaude, invitation à la détente avec sauna, hammam et surtout une qualité des soins exceptionnelle. Moment paisible, ressourcement… Quel est le secret ?
En plus de la magie de la Suisse Normande et du village de La Pommeraye, les praticiennes sont passionnées non seulement par le soin, mais aussi par l’accueil et l’écoute, le tout savamment saupoudré d’empathie et de bienveillance.
Avec cette prise en charge, elles peuvent plus aisément confirmer ce qu’elles présentent du besoin de la personne, une fois les premières manœuvres effectuées, et adapter le soin.
A Yann et moi de nous assurer qu’elles soient avant tout dans le bien-être pour qu’elles puissent le communiquer à nos hôtes.
Yann et toi, vous semblez être allés au bout de vos rêves… Parle-nous de la genèse de ce projet, son histoire et son évolution.
Yann est le garant du savoir-faire de la partie hospitalité de notre maison d’hôtes. Ancien directeur salarié de deux hôtels-Spas du Honfleur ; le besoin et l’envie de faire mieux en écoutant ses envies d’aménagement et de décoration associés à son bon sens sont les moteurs.
Il s’exprime pleinement et librement aussi bien sur la partie de l’organisation du Domaine que sur son aménagement, sa décoration, les petits déjeuners et la cuisine pour les séminaires que nous recevons.
Et quoi de plus motivant de constater, qu’en respectant son intime conviction et ses propres valeurs, que tout cela fonctionne ?
…………….. et comment on passe de l’informatique à ce type d’activité
Moi je suis issu du milieu industriel de la métallurgie où j’ai exercé plein de métiers différents qui m’ont satisfait pour le côté réglementaire et organisationnel.
En revanche j’ai rapidement versé dans le milieu association et la représentation du personnel, pour satisfaire mon besoin de mettre les personnes en relation, sous prétexte de la formation à des outils de gestion, d’établissement de tableaux de bord…
Bref tout ce qui m’a permis de voir que les outils (lorsqu’il sont dévoyés pour satisfaire des égaux au lieu d’améliorer les process et les conditions de travail de chacun) m’ont fait lever la main lors d’un plan de sauvegarde de l’emploi.
Comme nous habitions un ancien relais de poste tout à côté d’Honfleur, je m’étais préparé, sans le savoir vraiment, à l’accueil d’hôtes en chambre et à promouvoir et partager notre amour du territoire, ce qui me permet de me réaliser pleinement.
Depuis bientôt dix ans, Le tout s’est confirmé avec mon implication à l’Office de Tourisme de la Suisse Normande !
Enfin, dans cette optique concernant l’équipe du Domaine, nous ne voulions pas leur faire subir les affres du management, issus des différentes écoles techniques et/ou de commerce que nous avons subis.
Fondé sur la confiance, le respect, la bienveillance (la vraie) et l’écoute, nous avons le plaisir de pouvoir « travailler » sans en avoir l’impression (et la pression ? : sourire …)
Comment le spa est finalement au cœur même de l’exploitation d’un tel domaine ?
Créé en 2008, au moment où les spas faisaient leurs premiers pas …
Quoi de plus intrigant/différenciant que de proposer des soins dans un lieu propice à la détente, relaxation et lâcher-prise pour se différencier des propositions urbaines ?
C’était un pari plus qu’osé pour les créateurs du lieu.
Nous avons juste corrigé les « incongruences » quant à la gestion :
- Des personnes qui depuis ont révélé et apporté le meilleur d’elles-mêmes,
- Des lieux avec diverses remises aux normes électriques (6 ans), risques incendie, traitements des eaux usées tout en respectant la nature…
- L’installation d’un poêle de masse finlandais pour sa présence et sa chaleur au sein du spa,
- L’installation d’un poêle à bois dans la salle des petits déjeuners,
- la création du sauna,
- la réfection de la piscine,
- le travail avec l’aide de la Médecine du Travail et de la Carsat, pour le financement des tables de massage pour réduire les troubles musculo-squelettiques,
- la réfection des chambres,
- la création de salles de séminaires,
- la mise en place d’un système permettant de produire de « l’eau ozonée » afin de pouvoir nettoyer en profondeur et sans risque les 2500 m² d’infrastructure du Domaine,
Sans omettre la formation continue de l’équipe !
Nous allons fermer le spa au public pendant 4 jours en mars 2026 afin de pouvoir sécuriser nos praticiennes, nos soins et donc nos hôtes sous traitement oncologique.
Ainsi on réduira encore la discrimination quant au soin envers un public qui en à sans doute le plus besoin.
Qui sont vos clients ? Comment les amoureux de la randonnée découvrent le spa ?
Quelle clientèle et quel équilibre entre les clients hébergés et les clients externes ?
Un sacré pari dans une région finalement qui se mérite (pas si proche de Caen) …
Nous accueillons 75% de Normands pour le spa et aussi les séjours en chambre.
En dehors du bouche à oreille, le Domaine est sur le parcours :
- de randonnées et notamment le GR préféré des Français,
- de trails,
- de la Suisse Normande pour les voitures et motos de collection,
- des ruines du Château Ganne du Xième siècle,
Lors des week-ends, les Hauts de France, la Somme, l’ex Haute-Normandie, l’Ile et vilaine, la Mayenne et le Nord Loiret viennent nous visiter.
Il semble que, si nous sommes trop éloignés de Paris (pour une demi-heure de route), ce sont des hôtes alors encore plus conquis non seulement par le charme de la Suisse Normande que de part la qualité de la pris en charge par les praticiennes.
Lors des vacances scolaires et l’été ; c’est une tout autre configuration :
- Toujours les Hauts de France,
- Nos amis belges,
- Les néerlandais,
- Les britanniques,
- Et depuis trois ans beaucoup d’hôtes allemands et suisse-allemands (Yann étant germanophone),
Ponctuellement : Estoniens, Mexicains, Brésiliens, Italiens, Finlandais, Canadiens,
Et à noter, spécifiquement cette année, ChatGPT et Gemni nous ont cités lorsque deux couples ont demandé à ces intelligences artificielles d’organiser un séjour spa en Normandie !
Ce qui est encore plus incroyable, c’est pour cela que je parle d’exception, c’est que le spa est ouvert du lundi au samedi. Pas de soin très tard ni le dimanche…
Le spa étant notre cœur de métier, nous recevons les commerçants les lundis, les mamans les mercredis, et le vendredi est aussi sollicité, bientôt tout autant que les samedis.
Le Domaine travaille donc sous la convention collective de l’esthétique, et non de l’hôtellerie.
Cette convention est « mieux disante » (dixit l’ancien représentant du personnel) et impose un maximum de 3 jours fériés travaillés, et le travail du dimanche serait bien trop onéreux pour la structure.
De plus, tous nos hôtes souhaiteraient alors être en soin entre 10h et 12h.
Même si cela répondrait à l’obligation de faire venir une équipe pour 2h minimum de travail, ce quart de journée serait non seulement couteux en main d’oeuvre, mais plus encore en défection des membres de l’équipe.
En revanche, nos hôtes résidents peuvent profiter librement de la piscine et du sauna entre 9h et 12h.
Ainsi ils peuvent tenter de faire passer les calories du pain aux raisins du petit déjeuner (sourire).
Quand j’ai échangé avec ton équipe, j’étais frappée de ce qu’elles ont dit spontanément…
« Je viens de Cabourg (50 km), mais pour rien au monde, je ne changerai. »
« J’ai travaillé dans de grands hôtels, mais la liberté que nous avons ici n’a pas de prix, et surtout Yann et Hervé sont d’incroyables patrons ».
« C’est nous qui avons choisi les marques que nous souhaitons proposer à nos clients ».
STP explique-nous quels sont vos secrets !
Aux points précédemment évoqués, on peut ajouter l’écoute de leur savoir-être et savoir-faire :
A la reprise du Domaine nous étions étonnés de les voir courir tout le temps, notamment le samedi. Une fois la parole libérée et la confiance qui commençait à s’installer, nous avons sollicité les praticiennes : « pourquoi ces précipitations dans un lieu de bien-être, et comment peut-on faire pour travailler et donc recevoir nos hôtes dans de meilleures conditions ? »
Nous avons attribué 15 min de temps en plus, en faveur des praticiennes.
Non seulement nous parlons désormais en temps de soins effectifs vis-à-vis de nos hôtes, pour ne plus avoir l’impression de les « voler » en décomptant ce temps du « temps cabine » qu’ils avaient loué.
Les praticiennes ont depuis :
- le temps d’accueillir sereinement l’hôte avant le soin,
- le temps de se recentrer avant le soin,
- le temps d’accompagner l’hôte à une éventuelle présentation de produits,
- le temps de revenir en cabine pour la préparer.
L’expert-comptable d’alors nous indiquait que nous perdions une heure de soins au bout de 4 « clients » ; ce à quoi nous lui avons rétorqué que sur 4 hôtes, non seulement 3 reviennent, mais offrent des bons cadeaux, témoignent de leur expérience auprès de leurs familles et amis.
De plus, ils progressent dans la carte des soins, suivants les conseils des praticiennes !
Leur savoir-faire est ainsi mis en valeur.
Sans omettre le coût humain et financier du recrutement lorsque l’on institutionnalise un turnover pour payer moins cher les équipes.
« Les employés d’abord, les clients ensuite » : ce livre de Vineet Nayar serait-il une de tes inspirations ?
Un employé bien dans sa peau, dans ses baskets heureux … et le « patron » le sera tout autant ! (sourire)
Non j’avoue ne pas le connaître ; Yann et moi nous sommes issus d’un milieu industriel d’ouvriers devenus contremaître et ingénieur dans la construction navale et automobile.
Nous sommes les témoins de carrières qui se finissent de façon abrupte, au détour d’un prétexte de plans de licenciements économiques, sans aune autre forme de reconnaissance dans les débuts de la désindustrialisation.
Nous pensons plutôt être empreints d’empathie et d’un simple bon sens terrien.
Ce qui nous faire toujours sourire : ce sont toutes les termes à la mode de gestion d’entreprise et du personnel dans des cycles de formation que l’on nous propose de suivre.
Lorsque l’on retire tout le vernis et le marketing autour, on se rend compte, à chaque fois, que l’on en revient :
- à l’empathie (non manipulatrice),
- au respect,
- à l’écoute,
- bref au SBST (simple bon sens terrien) (re-sourire).
Si nous demandons à Amélie et son équipe de résumer en une phrase la raison de leur choix …
Voici un copier-Coller du texte collégiale d’Amélie, Coralie et Odeline, présentes ce jour :
La bonne ambiance de travail que Hervé et Yann instaurent.
Ils ont toujours su garder leur côté HUMAIN tout en étant gérant.
Le bien-être de leurs employés est primordial, la fidélisation de l’équipe passe avant la fidélisation de la clientèle qui en découle.
Nous avons beaucoup d’avantages que je n’ai jamais retrouvé ailleurs :
– semaine de 35h en 4 jours
– amplitude horaire max raisonnable (9h-18h30, même le samedi)
– heures supp notées et récupérées
– l’entretien du spa compris dans notre temps de travail
– une application nous donnant le droit à des réductions, tel un CE d’entreprise
– 15 min de plus sur le planning après chaque soin
– mutuelle « mieux disante » que la convention collective pour le même tarif (enfants pris en charge par l’employeur)
– un salaire plus attractif
– 10% dès la 1ère vente en dehors de challenge des marques (pas de pression de la direction sur les ventes)
– dimanche non travaillé
– étrennes de fin d’année
– borne de recharge pour voiture électrique
– accès à la salle de sport du domaine et à un cours de zumba par semaine réalisé par Yann
– sollicitation de pourboire d’équipe avant chaque transaction sur le TPE reversé sur notre paye (non imposable)
Ai regardé ton profil Linkedin : impressionnant ! Quelles sont les qualités de tes anciens métiers (comptable et informaticien ?) qui ont été directement transposables ?
La rapidité de ma dactylographie pour répondre à nos hôtes (rires).
La rigueur comptable (que les experts-comptables ont oublié …).
Etre autonome et critique quant au choix des outils informatique, téléphonie et autres réseaux sociaux.
Pouvoir utiliser toutes les formations reçues dans le milieu industriel pour les transposer, après avoir évacué toutes les scories de management manipulatoire, tableaux de bord orientés, …
A contrario, mettre en application :
- les techniques de respiration des cours de théâtre
- retrouver de la chorégraphie pour sa santé et son confort des cours de danse lorsque l’on prodigue un soin
- les formations des « ressources humaines » reçues dans le cadre de la délégation du personnel.
Tu avais déjà mis l’humain au cœur de tes métiers précédents … Comment ?
Lorsque j’étais formateur pour des outils de gestion abscons comme SAP et CRM pour le Mexique, l’Allemagne, l’Angleterre, la Chine, l’Italie et l’Espagne, en « désacralisant » l’outil et en le faisant adapter au mieux auprès des programmeurs pour y introduire encore du bon sens.
Ainsi la qualité de l’information n’en était que plus renforcée et le nombre d’appels au support bien moindre.
On a l’impression que les recettes que vous avez appliquées sont absolument uniques, et que c’est l’alchimie avec le domaine d’expertise de Yann qui a fait du Domaine de la Pommeraye un lieu unique.
Merci beaucoup.
Et des questions plus personnelles …
La phrase que tu utilises le plus pour parler à ton équipe ?
Bonjour, comment ça va ? (avec une vraie écoute : sourire)
Merci pour cette folle journée (surtout les samedis)
Les mots que tu utilises le plus pour parler de ton équipe ?
Merci
Comment peut-on … ?
Est-ce que … ?
Et pourquoi pas … ?
Une nouvelle obligation nous tombe dessus, plutôt que de la subir, autant y répondre pour en retirer le meilleure pour nous (ex : entretien professionnel, RSE, nouvelles obligations de la gestion de la formation pour 2026 …)
C’est gentil merci,
C’est à qui le tour pour le goûter de samedi ?
…
Le défaut que tu as du mal à supporter avec la nouvelle génération ?
Leur semblant de « je m’en foutisme » mais qui est peut-être une réponse à l’environnement de travail que nous leur laissons et qu’ils subissent ?
Le bien-être, le wellness, quelle est la définition pour toi ?
Etre en accord avec ses défauts (rires).
Ou comme une symbiose des :
- Cours de théâtre pour mieux appréhender le déplacement dans l’espace, l’écoute de ses émotions, le jeu, le jeu avec les autres
- Cours de technique vocale pour la respiration, la colonne d’air, les fréquences bienfaisantes, les chœurs
- Cours de danse : c’est comme apprendre une langue étrangère pour l’assimilation des pas de bases et des figures pour le but ultime : sublimer sa cavalière
Ton lieu de ressourcement ? Où, comment et avec qui ?
Les ruines du château Ganne avec Yann et Dina (notre teckel-labrador de 13 ans).
Les cours de danse de salon du jeudi soir.
Les cours de Zumba dispensés par Yann (certifié) avec les praticiennes dans la salle des mariages les mardis soirs ; même si du coup je suis à l’accueil à ce moment là mais j’entends la musique.
Le conseil municipal pour les 66 habitants de La Pommeraye, où règne la bonne humeur, faire les choses sérieusement sans de prendre au sérieux.
Le dernier livre que tu nous conseillerais ?
Relire L’étranger d’Albert Camus « à cause » du dernier film de François OZON.
La destination où tu rêves d’aller ?
De retourner au Portugal. Les Iles Shetland, la Norvège et la Finlande.
Et celle où tu ne mettras pas les pieds ?
Je suis trop curieux pour ne pas découvrir de destination.
Notre prochain colloque à Chartres sera sur L’humain, au cœur des métiers, le jeudi 2 juillet. Une intervention de ta part serait-elle envisageable ?
Avec grand plaisir et toujours autant d’admiration pour Régine Ferrère que je n’ai pas eu le temps de saluer au dernier Gala Spa-A
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Si, comme moi, vous êtes arrivé à la fin de la lecture de cette article, en vous disant « Quelle magnifique leçon et quel témoignage », c’est que, dans notre monde feutré du spa et du wellness, la recherche de profits immédiats ou de rentabilité nous fait oublier un personnel, souvent maltraité, parfois par simple méconnaissance.
Si ces remarques de bon sens pouvaient réveiller certains de leur sommeil dogmatique, nous ferions déjà un grand pas pour le bien-être de nos équipes !
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Hervé et Yann du Domaine de la Pommeraye.
Propos recueillis par Marie-Paule Leblanc-Peru Présidente bénévole Spa-A.
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